Mounga on Leupin (2015)
Leupin, Alexandre. Proust en bref. Éditions Furor, 2015, pp. 144, ISBN 978-2-9700925-7-5
Leupin, Alexandre. Proust en bref. Éditions Furor, 2015, pp. 144, ISBN 978-2-9700925-7-5
Bauvarie Mounga, Université de Yaoundé I
Dans Proust en bref Alexandre Leupin revisite l’œuvre de Proust, notamment ses maximes, pour ressusciter la mémoire de Proust auprès de ceux qui l’ont lu, et faire découvrir cet écrivain à ceux qui ne le connaissent pas encore.
Leupin consacre la première des deux parties de son ouvrage aux égophanies de Proust. En d’autres termes, l’auteur présente l’œuvre de Proust comme une autobiographie à peine déguisée. De ce fait, l’un des thèmes principaux est l’évanouissement de tous les objets du désir, qui mène le narrateur à une déréliction absolue. Pour Leupin, l’égophanie proustienne ressemble à une intériorisation toujours plus intense, où le moi, poussé dans ses derniers retranchements par l’inadéquation du monde, des amis et des femmes, “devient platonicien et contemple détaché sa propre déliquescence en se livrant à la quête du ‘livre intérieur des signes inconnus’” (25). Dans ce sens, tout se dématérialise, la vérité devient contemplative. Les “moi” successifs de la narration, différant les uns des autres, confirment temporellement l’émiettement produit par le temps, ce qui rompt toute illusion d’uniformité et de continuité. Leupin montre que chez Proust, l’égophanie trouve sa limite dans la jouissance féminine et musicale, et par là, s’ouvre indéfiniment à l’Autre.
En outre, Leupin révèle que Lacan et Proust présentent une homologie, surtout en ce qui concerne “la jouissance de l’idiot,” qui pousse le sujet à la plus profonde des solitudes. Le narrateur de Proust répugne la relation des chairs, qui lui rappelle toujours l’impossibilité de la possession et de la pénétration de l’Autre, au-delà des corps. Selon Leupin, Proust a la phobie des corps, car leur matérialité est toujours une muraille insurmontable.
La deuxième partie de l’ouvrage est composée des maximes de Proust. Leupin s’est attelé à regrouper les maximes les plus marquantes; il les a classées par ordre alphabétique en les répartissant selon des thèmes très variés. Ces thèmes vont d’aberration à yeux, en passant par plaire, sacrifice, vieillesse. L’auteur souligne que Proust aimait beaucoup recourir aux maximes. Il veut inlassablement “extraire une loi générale du singulier ou du particulier, de ce qui n’appartient qu’à un seul ou un groupe social” (31).
Ce qu’on remarque d’emblée en parcourant les maximes de Proust, c’est qu’elles concernent différents domaines de la vie. Le romancier français se présente comme un véritable penseur atemporel dans la mesure où les maximes qu’il énonce continuent d’être d’actualité. C’est dans le même ordre d’idées que Leupin déclare que nul n’a médité avec plus d’attention sur les péripéties de la vie: “peu d’écrivains ont formulé avec autant d’à-propos et de lucidité une sagesse et une morale qui trouve aujourd’hui encore sa pertinence, pour le temps où le Moi judéo-chrétien survit à sa progressive abolition” (33). À travers ses maximes, Proust invite le lecteur à se découvrir, à se faire une idée de l’existence, à mieux s’armer pour affronter la vie. Cela peut être résumé dans la maxime suivante: “on ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner, car elle est un point de vue sur les choses” (À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 427).
Cet ouvrage d’Alexandre Leupin est intéressant dans la mesure où il est un abrégé de l’œuvre de l’un des plus grands écrivains français. Il nous permet de mieux comprendre l’œuvre, la personnalité et la pensée du romancier. Le livre de Leupin est également salutaire parce qu’il permet au lecteur de parcourir les judicieuses maximes de Proust. Et comme le dit Leupin, c’est un moyen pour lui “d’encourager quelque lecteur, non seulement à se lancer dans la lecture de La Recherche, mais aussi à chausser les multiples optiques proustiennes pour voir les richesses de sa propre vie” (36). Cet ouvrage est destiné aux étudiants et chercheurs en littérature.