Le soleil et le prisme: ambiguïtés de l'anticolonialisme au dix-neuvième siècle. Le cas Gasparin
Peu connus de nos jours, Agénor (1810-1871) et Valérie (1813-1894) de Gasparin furent sous la Restauration et le Second Empire à la pointe d'un libéralisme de droite et de l'anticolonialisme protestant. Ce libéralisme s'exprime entre autres, par une attitude de curiosité, de tolérance et de compassion vis-à-vis de l'Autre colonial ou exotique, attitude abondamment présente dans les discours et pamphlets politiques et les livres de voyage des époux Gasparin et récapitulée par Agénor dans la métaphore du soleil et du prisme par laquelle il décrit les rapports du Christianisme à l'Autre. Néanmoins, une lecture plus soutenue de ces textes révèle l'ambivalence de leurs auteurs: on y voit la tolérance des Gasparin s'effriter au cours de leurs voyages une fois qu'ils sont sur le terrain et une orthodoxie chrétienne (subtilement impérialiste) reprendre ses droits peu à peu. Cet échec (tout relatif) et qui ne met pas en cause la sincérité des Gasparin suggère, d'une part, qu'idéologie et imaginaire ne coïncident pas forcément et, d'autre part, que les constantes des rapports du protestant à l'Autre colonisé ou exotique (repérées par Frank Lestringant dans Le Huguenot et le Sauvage à propos de la colonisation protestante des Amériques à la fin du XVIème siècle) restent valables trois siècles plus tard. (In French) (AS)
Volume 1997-1998 Fall-Winter; 26(1-2): 193-203