Bouchard on Autrand (2006)
Autrand, Michel. Le Théâtre en France de 1870 à 1914. Paris: Honoré Champion, 2006. Pp. 367. ISBN 2-7453-1311-8
S’ajoutant aux nombreux ouvrages parus ces dernières années sur les milieux culturels parisiens et leur stratification sociale à la fin du xixe siècle, le livre de Michel Autrand propose une étude du théâtre sous la Troisième République comprenant plusieurs courtes études sur les auteurs, les acteurs et les metteurs en scène en plus d’un panorama détaillé et bien documenté du contexte. À une première partie constituée d’un examen des institutions théâtrales et des relations des acteurs de ces institutions avec le théâtre classique, succède une analyse des transformations du texte et de la mise en scène postulées par ces acteurs. L’étude est centrée sur Paris, Autrand considérant que la culture théâtrale y prend son essor avant de se diffuser par les tournées “en province, comme à l’étranger, jusqu’en Amérique ou en Russie” (1: 15). S’appuyant sur cette vision centralisée, Autrand souligne la multiplicité et la diversité des salles et des théâtres parisiens et la hiérarchisation mondaine de tous les aspects de la représentation théâtrale. Le livre comporte des informations sur les différents théâtres parisiens et leur public dont une description des conventions sociales et vestimentaires des théâtres s’établissant en relation tant avec le lieu qu’avec les auteurs qui sont joués. Autrand trace le portrait social et culturel de l’amateur, de même que les conventions qui le forment, dépassant ainsi la stricte analyse des textes fondamentaux du théâtre de l’époque. Les courtes notices sur une multitude d’auteurs, de metteurs en scène et d’acteurs mettent en lumière les liaisons établies entre les expérimentations théâtrales de la fin du siècle et les publications périodiques qui valorisent de nouvelles conceptions de l’art et s’intéressent de près aux expérimentations théâtrales. Autrand met en relief les transformations des dispositifs du texte et de la mise en scène entre ascétisme et excès, de même que les principaux mécanismes et ressorts de la censure qui assurent la pérennité des certaines traditions théâtrales, voire un conformisme des artifices de la composition et des formes de pièces et textes à succès. La volonté de contraster la production théâtrale de la fin du siècle en deux tendances que sont le réalisme et le symbolisme engage Autrand à extraire des pièces elles-mêmes les caractéristiques propres à ces deux tendances. Ce choix méthodologique présuppose une universalisation des intentions des auteurs qui se cristallise dans une étude des auteurs séparés en réalistes et symbolistes, étude culminant avec l’analyse de Maeterlink et Claudel “les deux grands du théâtre symboliste” (1: 273). Si Autrand met le lecteur en garde contre une trop facile catégorisation définitive et malgré le soin porté aux nuances entre réalisme et symbolisme, la différentiation semble être forcée dans l’analyse de quelques auteurs dont les pratiques, exploitant à la fois de procédés réalistes et symbolistes, sont multiples et changeantes exemples. On pourra questionner ce besoin de recourir à une classification typologique pour décrire une évolution en ismes de la pratique théâtrale dès lors que le vocabulaire des critiques contemporains est nettement plus nuancé dans la discussion des expérimentations textuelles et scéniques.
L’ouvrage est construit schématiquement autour d’une progression thématique permettant, à mesure de l’avancement de la lecture, d’approfondir et de nuancer les thèmes choisis. Si les besoins en synthèse concourent parfois à quelques rapides énumérations de pièces et d’œuvres littéraires qui ne sont l’objet d’aucune analyse visant à nuancer la catégorisation dont elles sont l’objet, la plupart des thèmes sont adéquatement documentés. Cet ouvrage accommodera sans doute autant le spécialiste du théâtre en quête d’un ouvrage général que les personnes intéressées à parfaire leur connaissance des milieux culturels de la Troisième République: les liens établis entre le théâtre, le monde littéraire, la critique et le journalisme étant d’une grande richesse.