Gaulin on Wagner-Gobineau correspondence, ed. Eugène (2000)
Morgan Gaulin, Université de Montréal ⁄ McGill University
Wagner, Richard et Cosima, et Arthur Gobineau, Correspondance 1880-1882, texte présenté, établi et annoté par Éric Eugène, Librairie Nizet, 2000. Pp. 241. ISBN2-7078-1258-7.
Morgan Gaulin, Université de Montréal ⁄ McGill University
Professeur aux universités Paris II et Paris IV, spécialiste de Wagner, Éric Eugène nous présente la correspondance de Richard et Cosima Wagner avec Arthur Gobineau de 1880 à 1882. À propos du nom de Gobineau, Eugène rappelle d’abord que, désormais, il faut l’écrire sans la particule puisqu’il a réglé son compte à la prétendue aristocratie de celui-ci dans un ouvrage qu’il a fait paraître en 1998: Wagner et Gobineau. Existe-t-il un racisme wagnérien?(Préface de Serge Klarsfeld, Le Cherche Midi Éditeur, Paris, 1998) En 1880, les carrières respectives de Wagner et de Gobineau sont presque terminées ; Gobineau meurt en 1882 alors que Wagner rend l’âme en 1883. Les lettres qu’ils ont échangées n’ont donc que très peu d’intérêt pour ce qui concerne l’établissement d’une quelconque influence de l’un sur l’autre. Cependant, ces lettres apportent des détails non négligeables quant à leur pensée respective.
Dans sa présentation, Eugène a pris grand soin d’éclairer les circonstances dans lesquelles les deux protagonistes se sont rencontrés. Bien qu’il fut chef de cabinet au ministère des Affaires étrangères sous Alexis de Tocqueville, Gobineau demeurait fort peu connu et ce même s’il avait déjà publié quelques romans. C’est alors qu’il est en poste comme ministre de la France en Suède, entre 1872 et 1877, qu’il entre en contact avec la comtesse Marie von Schleinitz. Séduite par la prestance de Gobineau, elle le recommande à Wagner.
Les soixante-dix-neuf lettres reproduites par Eugène montrent Wagner commentant sa lecture de l’Essai sur l’inégalité des races humaines de Gobineau. De plus, et c’est sans doute ce qui fait la grande richesse de cette correspondance, on y lit la réponse de Gobineau. Ces lettres de réponse sont publiées pour la première fois, de même qu’un bon nombre de lettres adressées par Cosima. Notons que bien que ce soit surtout Cosima qui écrit – elle était française et écrivait donc à Gobineau dans sa langue maternelle – Eugène précise qu’elle jouait le rôle de secrétaire particulier auprès de son mari et que c’est bien la pensée du compositeur qui transpire dans ces lettres. Les lettres de Gobineau, quant à elles, laissent entrevoir un écrivain avouant son peu d’estime pour le peuple français. En effet, dans un esprit de dédain prononcé pour ses contemporains, il conclut qu’il n’est pas surprenant qu’il ait si peu de lecteurs puisque, selon lui, ses concitoyens ne sont pas aptes à le comprendre. Enfin, sa relation à Ernest Renan demeure complexe car, d’une part, Gobineau y évoque Renan le pressant de publier son Amadis tout en faisant écho, d’autre part, à une remarque de son recenseur, Philipp Jacob Fallmerayer (1750–1861), qui avait publié un article sur l’Essai dans lequel il remarquait que bien des écrivains se servaient de l’ouvrage sans toutefois le citer, écrivains au rang desquels Gobineau dit inclure Renan (57, note 11).
Cette correspondance ne manquera point d’intérêt pour les lecteurs de Gobineau puisque toutes les lettres signées de sa main sont inédites. De surcroît, l’ouvrage inclut un index des noms cités, ce qui fournira au lecteur un précieux outil de travail permettant de reconstituer l’univers intellectuel des deux protagonistes.