Ferraris-Besso on Rizzo (2015)
Caroline Ferraris-Besso, Gettysburg College
Rizzo, Cettina. Le Collectionnisme au XIXe siècle: Théophile Gautier et les Préfaces aux catalogues des ventes aux enchères. L’Harmattan, 2015, pp. 254, ISBN 978-2-343-08079-6
Caroline Ferraris-Besso, Gettysburg College
Selon Cettina Rizzo, si le collectionnisme de la Renaissance au XVIIe siècle a déjà fait l’objet de travaux de recherche, “le phénomène […] reste encore mal éclairé en ce qui concerne le XIXe siècle” (9). Pour Rizzo, cela s’explique d’abord par la difficulté à caractériser la collection, qui n’est plus au XIXe siècle le seul fait des familles aristocratiques, mais aussi celui des bourgeois et des financiers. Ainsi, alors même que les représentations de la collection et de la figure du collectionneur abondent dans la littérature et dans l’art—on pensera en particulier au Cousin Pons et à Des Esseintes, “[les] dictionnaires de la première partie du siècle restent muets sur la question [de la collection]” (10). Lorsque des définitions apparaissent, elles demeureraient d’après Rizzo problématiques et lacunaires, lacune qu’elle entend combler avec Le Collectionnisme au XIXe siècle: Théophile Gautier et les Préfaces aux catalogues des ventes aux enchères.
Rizzo identifie Gautier comme une figure centrale pour les collections et le collectionnisme: en premier lieu par sa participation à la revue L’Artiste, qu’elle considère comme l’une des premières à aborder la question des collections et du collectionnisme, mais aussi par son intérêt pour l’art, qui le poussera à accumuler des objets tout au long de sa vie. Cet intérêt se manifesterait également dans l’écriture de fiction de Gautier, qui ne présente pas des collectionneurs caricaturaux mais “des personnages liés à l’univers de l’art comme trait d’union pour une recherche ‘autre’” (12), aboutissant dans la nouvelle “Spirite” à “une vision néoplatonicienne et mystique” (13) de l’art.
Après avoir abordé dans une première partie la question des rapports de Gautier avec le phénomène du collectionnisme privé, Rizzo s’intéresse au “regard du collectionneur et de l’amateur” dans la nouvelle “Le Roi Candaule.” Partant de l’idée que Gautier “transforme les collections en objet d’observation pour sa critique d’art et en enjeu d’écriture pour sa fiction littéraire” (47), elle considère la manière dont la nouvelle met en jeu “la lutte entre Art et Nature, dans la création de l’Idéal féminin, et l’opposition entre le regard de l’artiste et celui de l’homme” (50) tout en discutant à travers le personnage de Candaule, double de l’auteur, le statut des collections particulières, qui restreignaient l’accès du public aux objets d’art. Le sujet était cher à Gautier, qui soutenait l’existence du Musée comme lieu garantissant la conservation du patrimoine. Dans une troisième partie, Rizzo se penche sur l’écriture critique de Théophile Gautier, qui exalte l’art de Delacroix et Ingres tout en reconnaissant l’importance de l’art italien, ce dont on retrouve des traces dans son écriture fictionnelle, par exemple dans “Arria Marcella” et “Fortunio.”
Si le travail de Rizzo est assez convaincant quand il traite du rapport de Gautier à l’“écriture artiste” (62), il n’éclaire pas suffisamment la relation de Gautier au collectionnisme. Le phénomène du collectionnisme lui-même n’est pas théorisé de manière efficace, ce qui s’explique peut-être par l’absence de références à certains travaux majeurs consacrés à la question, notamment l’étude d’Emma Bielecki, The Collector in Nineteenth-Century French Literature (Peter Lang, 2012), ou le numéro spécial de Romantisme consacré à “La Collection” dirigé par Dominique Pety et Jean-Louis Cabanès (2001). De plus, sans doute parce que les textes accompagnant ce recueil compilent des articles précédemment publiés dans des revues et ouvrages collectifs, il est souvent difficile de dégager la thèse exacte de l’auteur. Les textes auraient en outre bénéficié d’un travail de relecture plus rigoureux: les erreurs typographiques et la prose parfois maladroite rendent la lecture laborieuse. Ils lancent cependant quelques pistes intéressantes, en particulier concernant les goûts du XIXe siècle et les modalités de diffusion des œuvres. Par ailleurs, les annexes du Collectionnisme au XIXe siècle, qui réunissent les préfaces aux catalogues de vente écrites par Gautier, ainsi que ses articles concernant les ventes, s’avéreront remarquablement profitables aux chercheurs s’intéressant tant à Gautier qu’à la critique d’art.