Petit-Rasselle on Spangler (2018)

Peyron Spangler, May. Paris in Architecture, Literature, and Art. Peter Lang, 2018, pp. 409, ISBN 978-1-4331-3535-4

Ce manuel allie l’histoire de France à celle de Paris, son urbanisation et ses évolutions architecturales, tout en montrant la représentation de la ville dans la littérature et dans les arts.  Ciblant un public estudiantin possédant peu de connaissances en architecture mais un intérêt certain pour la capitale, l’ouvrage peut être employé dans un cours d’études culturelles ou lors d’un voyage organisé à Paris.

Le manuel est divisé en dix chapitres. Le premier retrace l’évolution des murs de Paris, de la Gaule à la ville moderne. Les chapitres ultérieurs s’attachent à des mouvements culturels: le gothique, la renaissance, le classicisme, le romantisme, le réalisme, l’impressionnisme, le cubisme, et le post-modernisme. L’ouvrage se conclut par un chapitre sur les travaux réalisés sous François Mitterrand et Jacques Chirac, et sur les banlieues. Chaque chapitre propose une bande chronologique, une introduction générale, puis une moyenne de quatre grandes parties. Celles-ci sont agrémentées d’extraits de textes littéraires ou critiques, de diverses illustrations, de quelques photographies d’œuvres d’art ou de monuments. Les textes sont suivis de questions de compréhension et d’analyse, d’activités de groupes, d’exercices à trous, et de récapitulations. L’étude de films permet d’illustrer mouvements culturels, périodes historiques ou lieux précis tout en donnant une ouverture sur certaines écoles de l’art cinématographique français.

Ce compte-rendu critique s’adressant à un public de dix-neuviémistes, il se concentrera sur les chapitres les concernant directement. Intitulé “Romantic Paris. Napoléon and the Arc de Triomphe,” le chapitre cinq introduit Napoléon avec le film d’Abel Gance, puis des lettres de l’empereur à ses frères et sœurs afin de mieux cerner l’homme et son rôle. S’ensuivent la présentation du “Couronnement de Napoléon” par David, et l’observation des perspectives cruciformes du Premier Empire, appuyée par des cartes et des croquis. Contrairement à la promesse du titre, le chapitre aborde longuement la Place de la Concorde dont il retrace l’évolution, notamment lors de la révolution de 1789 et du règne de Louis-Philippe. Il s’oriente ensuite vers le mouvement romantique, avec Madame de Staël puis Delacroix. Il aborde enfin l’Arc de Triomphe avec une activité ingénieuse, invitant les étudiants à réfléchir sur le monument en le dessinant, en tenant compte de ses proportions et de ses sculptures représentant la Marseillaise. Celles-ci servent de point de départ à la découverte de l’hymne national, mais aussi à une réflexion sur la perception de la guerre et de l’héroïsme selon les époques traversées par l’Arc de Triomphe. L’étude d’extraits issus de “La Place de l’Etoile” d’Eric Rohmer contraste le quotidien des protagonistes avec les valeurs romantiques exprimées par le monument. Toute la seconde moitié du chapitre consiste en une série de passages des Misérables, ici encore ne répondant pas au titre puisqu’elle se concentre sur la place de la Bastille. Ce chapitre traitant du romantisme, la Bataille d’Hernani et le théâtre de la nouvelle école auraient pu y trouver leur place.

Le chapitre six s’attache au réalisme dans le Paris d’Haussmann. Il introduit Napoléon III et le baron à travers la visualisation de décors d’époque par le cinéma et une visite virtuelle, puis aborde les Halles avec quelques paragraphes des Mémoires d’Haussmann. Il présente Balzac et le premier chapitre du Père Goriot, propose des questions de compréhension et une activité dans laquelle les étudiants doivent esquisser la pension Vauquer afin d’en discuter l’organisation sociale. Ceci les amène à contraster les valeurs romantiques avec celles du réalisme, et à rapprocher le rôle du narrateur de Goriot et celui de l’artiste dans L’Atelier du peintre de Courbet. La section suivante se consacre à l’architecture éclectique et rationaliste du Second Empire; elle produit un extrait du Dictionnaire raisonné de Viollet-Le-Duc, des activités pratiques et une récapitulation. Succède une partie enthousiasmante sur Henri Labrouste, la Bibliothèque Sainte-Geneviève et la Bibliothèque nationale, avec des plans et illustrations permettant aux étudiants non seulement de prendre conscience de l’œuvre de Labrouste, mais aussi de rapprocher ce dernier de Balzac. Une activité similaire amène le public à examiner les différences entre les Halles et la Bibliothèque nationale. Dans le même esprit et avec les mêmes supports, les étudiants sont invités à réfléchir sur l’éclectisme de l’Opéra Garnier. Portant sur la restructuration de Paris par Haussmann, la dernière partie du chapitre propose des plans, des visites virtuelles et des activités simples mais efficaces, et des passages de La Curée. Ceux-ci ont une double fonction: comparer les textes de Zola à ceux de Balzac, et examiner la représentation du Bois de Boulogne après la découverte de ce dernier sur carte et par Internet.

Traitant de l’impressionnisme et de la tour Eiffel, le chapitre sept propose une approche très intéressante des Intransigeants. Le rôle de Manet est étoffé par des critiques de Zola et de Mallarmé, “Sur le pont de l’Europe” de Caillebotte rapproché du flâneur de Baudelaire, et Monet vu par Zola. Des extraits de La Bête humaine, suivis de l’adaptation cinématographique de Renoir, complètent l’étude des représentations de la capitale. La dernière section se consacre aux expositions universelles, incluant la naissance du métro et l’art nouveau, l’architecture impressionniste, la tour Eiffel et l’examen de sa représentation par Seurat, tout en reprenant les figures du flâneur, du plein air, et de la vie moderne.

Ce manuel présente la capitale d’une manière engageante et accessible à tous, avec de nombreuses sources médiatiques. Certaines questions ou discussions parfois fort élémentaires ont pour fonction de mettre les étudiants en confiance avant de les armer d’outils théoriques et de les pousser vers une démarche analytique. L’ouvrage connaît des problèmes d’édition avec des coquilles et des inexactitudes historiques, et des consignes qui semblent s’adresser tantôt au professeur, tantôt aux étudiants. Certains personnages romanesques ou cinématographiques méritaient d’être distingués de la réalité historique. L’ouvrage propose un ensemble cohérent, avec des liens et rappels entre les chapitres. Sa force repose sur la peinture, l’architecture, et les correspondances artistiques.

Roxane Petit-Rasselle
West Chester University of Pennsylvania
50.1-2